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Adhérente de la Fédération Nationale de la Libre Pensée

POUR L'ABROGATION DE LA LOI DU 24 AOUT 2021

 

ARGUMENTAIRE

LOI DU 24 AOÛT 2021 CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3c/Nanine_Vallain_-_Libert%C3%A9.jpg/220px-Nanine_Vallain_-_Libert%C3%A9.jpg

Jeanne-Louise Vallain - La liberté – Musée de la Révolution française - 1794

 

Mai 2022

 

SOMMAIRE

Introduction

Sur quelques mesures inquiétantes

1 – L’interdiction des certificats

2 – Le délit de mise en danger de la vie d’autrui

3 – La comparution immédiate pour certains délits de presse

Sur l’atteinte portée à trois libertés fondamentales

1 – La restriction de la liberté de l’enseignement

2 – La mise en péril de la liberté d’association

3 – La dénaturation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État

 

Emmanuel Macron a inscrit son premier quinquennat dans le prolongement des dérives sécuritaires ayant marqué, pour ne pas remonter plus loin dans le temps, les deux dernières décennies de la Cinquième République. Néanmoins, il a accéléré et amplifié le processus en cours. Sans tenir compte de la loi du 23 mars 2020 sur la sécurité sanitaire et des multiples mesures d’application de celle-ci, d’octobre 2017 à août 2021, il a fait adopter et a promulgué cinq lois antiterroristes, de sécurité intérieure ou tendant à limiter les libertés et droits fondamentaux : celles des 30 octobre 2017 relative à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme, 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infraction terroristes à l’issue de leur peine, 24 décembre 2020 visant à prolonger différentes mesures de lutte contre le terrorisme, 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement et 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

            Ce dernier texte constitue un basculement d’une particulière gravité au regard des assises de la République : sans préjudice de différentes autres mesures inquiétantes, il présente la particularité de porter atteinte aux trois les libertés fondamentales d’enseignement, d’association et de conscience instituées par les lois des  28 mars 1882, 1er juillet 1901 et 9 décembre 1905. La Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) en demande l’abrogation ainsi que celle du décret du 31 décembre 2021 sur le contrat d’engagement républicain (CER), pris pour l’application de son article 12. Elle invite donc les Fédérations départementales à s’adresser aux candidats aux élections législatives pour leur demander de s’engager en faveur de cette abrogation. Les motifs suivants justifient notre démarche.

*

Sur quelques mesures inquiétantes

             Parmi les mesures diverses qui suscitent l’inquiétude, trois au moins peuvent alimenter la démarche auprès des candidats : l’interdiction faite aux médecins de délivrer des certificats de virginité ; la création d’un délit de mise en danger de la vie d’autrui ; la modification du régime de certains délits de presse.

1 – La loi du 24 août 2021 interdit désormais aux médecins de délivrer des certificats de virginité aux jeunes femmes. S’ils enfreignent la loi, les praticiens risquent une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros, sans préjudice des sanctions que pourront infliger les instances du Conseil de l’Ordre.

Cette mesure d’apparence progressiste, en tant qu’elle vise à  tarir les exigences de familles pratiquant les religions du Livre d’une manière traditionnaliste, peut s’avérer en réalité dangereuse. Gynécologue obstétricienne et médecin chef de la Maison des femmes de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (93), le docteur Ghama Halem, qui défend le droit des femmes à disposer librement de leur corps, a ainsi reconnu délivrer en moyenne chaque mois deux certificats de virginité sans examen clinique. Alors même que le saignement de l’hymen n’est pas une preuve médicale de virginité, il s’agit pour elle, en conscience, d’éviter des conséquences parfois dramatiques pour les jeunes filles concernées : violences, voire homicides. Par suite, la finalité purement idéologique et antimusulmane de la loi, qui tend à interdire une pratique au demeurant assez rare, risque de favoriser la survenue de drames familiaux.

2 –  La loi du 21 août 2021 a rétabli, en les aménageant, les dispositions de la loi dite Avia du 24 juin 2020 instituant un délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle et susceptibles de présenter pour une personne ou ses proches un risque d’atteinte physique ou psychologique. Rappelons que le Conseil constitutionnel les avait déclarées contraires à la Constitution en 2020. Ce nouveau délit est puni de cinq ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Alors même que le code pénal offre déjà les moyens de réprimer des faits de cette nature, la loi a ainsi créé « une infraction d’intention » ouvrant de « très larges marges d’interprétation », comme l’a justement affirmé le député socialiste Boris Vallaud au cours des débats parlementaires.

3 – La loi du 24 août 2021 rend applicable à certains délits de presse, pour la première fois et au risque de nuire à la liberté d’expression, la procédure rapide de la comparution immédiate, à la main du parquet.

*

Sur l’atteinte portée à trois libertés fondamentales

            Plus gravement encore, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République porte atteinte aux trois grandes libertés fondamentales d’enseignement, d’association et de conscience qu’a garanties la Troisième République, de 1880 à 1905.

1 – La loi du 24 août 2021 est venue restreindre la liberté de l’enseignement instituée par celle du 28 mars 1882 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire.  Composante de la liberté absolue de conscience, celle-ci prévoyait que l’instruction primaire obligatoire pour les filles et les garçons pouvait « […] être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie. »

La loi du 24 août 2021 est venue restreindre cette liberté. Désormais, l’instruction dans la famille est soumise à autorisation. Celle-ci ne peut être délivrée que si l’une au moins des quatre conditions suivantes est réunie : état de santé de l’enfant incompatible avec une scolarisation en établissement ; exercice intensif d’activités sportives par l’élève ; itinérance de la famille ; situation spécifique de l’enfant.

            Par ailleurs, la loi du 24 août 2021 soumet les élèves à un embryon d’idéologie d’État. D’une part, ils doivent participer à une journée pédagogique consacrée non seulement à la citoyenneté mais aux principes républicains reconnus par le Gouvernement, dont le CER opposable aux associations constitue le catalogue, même si ce contrat n’est pas à présenter obligatoirement durant cette journée pédagogique. D’autre part, ils doivent recevoir un enseignement interdisciplinaire consacré au fait religieux et à la prévention de la « radicalisation », une notion pour le moins difficile à cerner.

2 – La loi du 24 août 2021 met également gravement en péril la liberté d’association. D’une part, elle élargit considérablement le périmètre de la dissolution administrative des associations, jusqu’alors réservée essentiellement aux groupements armés depuis 1936 et aux rassemblements de hooligans. Il faut insister sur le fait que cette dissolution peut intervenir non seulement sur le fondement des agissements ou déclarations de l’association, mais également en raison de ceux imputables individuellement à leurs dirigeants, leurs membres, les bénévoles qui les assistent, voire même les salariés travaillant pour elles : la responsabilité individuelle entraîne ipso facto une responsabilité collective ! Dans la période la plus récente, sur le fondement de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction issue de la loi dite « séparatisme » plusieurs d’entre elles ont été dissoutes. Jusqu’alors peu enclin à censurer le ministère de l’Intérieur en la matière, le juge administratif vient de limiter une dérive inquiétante (voir ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du 26 avril 2022 figurant en annexe).

            D’autre part, la loi du 24 août 2021 contraint les associations souhaitant bénéficier de la part des collectivités publiques d’une subvention, d’une aide en nature (salles gratuites par exemple) ou d’un agrément leur donnant la possibilité de se porter partie civile (associations agissant notamment dans le domaine de la défense de l’environnement) à souscrire un CER, un faux contrat dont le contenu est fixé par le décret du 31 décembre 2021 figurant en annexe. En particulier, les associations et fédérations du monde sportif et les groupements intervenant dans le cadre du Service national universel et du Service civique doivent impérativement signer le CER. Par suite, implicitement mais nécessairement, l’administration sera appelée à s’ingérer dans le fonctionnement des associations pour vérifier que les termes du CER, constitutifs d’une idéologie d’État (par exemple, les notions de respect de la dignité humaine ou des symboles de la République), sont bien respectés, à défaut de quoi l’aide consentie (subvention, aide en nature) devra être remboursée ou l’agrément retiré.

3 – La loi du 24 août 2021 porte indirectement mais gravement atteinte aux principes énoncés dans celle du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Elle vise à gommer les différences entre les associations cultuelles et celles de droit commun - distinction ayant notamment pour finalité de rendre impossible le financement public des cultes -, à renforcer le contrôle de l’État et à réprimer plus fortement les infractions à la législation sur la police des cultes.     

            D’une part, elle modifie sensiblement le cadre juridique applicable aux associations cultuelles. En premier lieu, bien que l’article 2 de la loi de 1905 interdise toute procédure de reconnaissance des cultes par l’État, de manière à préserver la liberté absolue de conscience de tous, celle du 24 août 2021 oblige les associations cultuelles au moment du dépôt de leurs statuts à la préfecture, puis tous les cinq ans, à remettre à l’administration une déclaration explicitant les motifs pour lesquels elles entendent relever de la loi de 1905. Dans les deux mois suivant la réception de cette déclaration, le préfet peut leur dénier la qualité de cultuelles et les contraindre à se soumettre contre leur gré à la loi du 1er juillet 1901. En quelque sorte, le représentant de l’État est désormais habilité à se prononcer sur le caractère cultuel ou non d’une association. En second lieu, la loi du 24 août 2021 rend possible la gestion par les associations cultuelles, en dehors de toute finalité religieuse, d’un patrimoine immobilier acquis gratuitement (donations, legs). Ainsi, le principe de limitation de l’objet des associations cultuelles au seul exercice du culte posé par la loi de 1905 se trouve remis en cause. Il faut rappeler que la représentation nationale avait repoussé cette disposition au moment du vote de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.  

            D’autre part, la loi du 24 août 2021 impose aux associations de droit commun poursuivant un objet en partie cultuel, conformément à celle du 2 janvier 1907 votée à la suite de la rébellion de l’Église romaine contre la loi de 1905, les mêmes obligations que celles pesant sur les associations cultuelles sans leur reconnaître les avantages consentis à ces dernières. Il importe de souligner que l’exercice public du culte musulman est, pour l’essentiel, assuré par des associations de droit commun relevant de la loi du 2 janvier 1907. 

            Enfin, la loi du 24 août 2021 crée pour les associations cultuelles une obligation de déclarer les concours financiers de 10 000 euros et plus, venus d’États ou d’organismes étrangers. Cette disposition instaure ainsi une nouvelle ingérence de la puissance publique dans le fonctionnement d’organismes de droit privé de la société civile. Elle aggrave aussi les peines sanctionnant les infractions aux dispositions sur la police des cultes : globalement elle considère ces infractions comme des délits et non plus comme des contraventions de cinquième catégorie.       

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