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Adhérente de la Fédération Nationale de la Libre Pensée

Le 21 janvier les libres penseurs fêtent la fin de la monarchie de droit divin

Une page d'Histoire

par Dominique Goussot

(2003)


La décollation de Louis XVI

Au terme d'un débat de trente-six heures, il y a presque 210 années jour pour jour, le 17 janvier 1793, la Convention votait par 361 voix contre 360 la mort du ci-devant Louis Capet, ancien roi de France. Ceci après avoir successivement reconnu sa culpabilité à une écrasante majorité et rejeté par 424 voix contre 287 la demande présentée par le parti girondin de soumettre la peine infligée à l'intéressé à ratification populaire. Il s'agissait là d'une ultime manœuvre de Vergnaud et ses amis pour éloigner la perspective de l'exécution du coupable.

Le procès avait commencé le 5 décembre 1792. Il était la conséquence logique de la déchéance de la monarchie le 10 août, de la victoire des volontaires de Valmy sur les armées des tyrans coalisés contre la nation, le 20 septembre, et de la fondation de la République le 22. Il est intervenu après quelques mois d'une détention au Temple, débutée le 13 août. Il a été équitable : Capet a été assisté de trois grands avocats, de Sèze, Tronchet et Malesherbes.

Je voudrais évoquer trois questions : Capet était-il coupable ? Était-il légitime de mettre fin à son existence ? Surtout, le caractère fondateur pour la République de son exécution a-t-il encore un sens pour nous aujourd'hui ?

Capet a constamment agi contre la nation

Capet était-il coupable ? Seuls les adversaires déclarés ou masqués de la Révolution Française osent répondre par non ou lui accorder de larges circonstances atténuantes. Pourtant les faits sont là. Capet a constamment agi contre la nation. Non seulement il a fui à Varennes le 20 juin 1791 avec le dessein de rejoindre les émigrés de Coblence, mais dans les derniers mois de l'Assemblée législative, il a multiplié les provocations contre le peuple sans compter son soutien aux actions des émigrés et à la coalition des monarchies d'Europe contre la France révolutionnaire.

Notamment le 11 juin 1792, il a opposé son veto, à deux décrets essentiels : celui du 27 mai ordonnant la déportation des prêtres réfractaires, la colonne vertébrale de la réaction catholique ; celui du 8 juin prévoyant la levée de 20.000 fédérés pour la défense de Paris.

Le 12 juin 1792, il a organisé une sorte de putsch en renvoyant Roland. Servan et Clavières, respectivement ministres de l'Intérieur, de la guerre et des finances pour les remplacer par des tenants de l'Ancien régime. Sous l'impulsion de l'évêque constitutionnel Lamourette, cela ne s'invente pas, animée d'un fort penchant conciliateur, l'Assemblée législative temporisa et chercha le compromis avec Capet. Cependant celui-ci a poursuivi son action : le 25 juillet 1792 il faisait publier le fameux manifeste de Brunswick menaçant de la vengeance cléricale-monarchiste le peuple de Paris s'il ne se soumettait pas au tyran. Il a fallu attendre la proclamation de la déchéance du roi (déjà demandée par les citoyens d'Angers) par 47 sections parisiennes sur 48 le 3 août 1792 et l'insurrection du 10 août pour qu'il fût mis fin aux entreprises contre-révolutionnaires de Capet. Aucun doute, sa culpabilité est établie et les circonstances atténuantes n'existent pas.

 

Fallait-il le guillotiner ?

Fallait-il pour autant mettre fin à l'existence de Louis Capet ? C'est le genre de question que soulèvent les philistins de tous poils, drapés dans la toge des droits de l'homme que Capet n'a cessé de combattre. Il est une règle minimum que l'examen honnête du passé suppose ; il n'est pas possible de regarder en arrière avec les yeux d'aujourd'hui. Il faut avoir l'ouverture d'esprit nécessaire pour tenter de se placer à la date des faits. Ce mauvais procès est en général intenté par ceux qui pleurent sur les "victimes" de la Révolution française, au demeurant peu nombreuses si l'on met de côté les guerres intentées à la France révolutionnaire par ses ennemis intérieurs et extérieurs. Comme Clemenceau, je dirai que la Révolution française est un bloc. Nous, humbles et lointains héritiers du Victor Hugo de 1830 faisant paraître "Le dernier jour d'un condamné " nous revendiquons le régicide parce que ce fut le geste fondateur mettant fin à la monarchie. Or ce geste essentiel n'a pas été l'alpha et l'oméga d'un progrès continu et linéaire des Lumières et de la Raison. La République, qui a une vocation universelle, est un combat depuis plus de deux siècles. Nous devons être aujourd'hui encore ses plus fidèles artisans, à l'image des volontaires de Valmy.

Dernière question : l'exécution de Louis Capet a-t-elle encore un sens pratique pour nous en ce début d'année 2003. À la suite de l'exécution de Louis Capet le 21 janvier 1793. Marat s'écria : " II n'y a plus moyen de reculer". Lebas, un autre conventionnel régicide, lui emboîta le pas en prononçant ces mots : "Nous voilà lancés, les chemins sont rompus derrière nous, il faut aller de l'avant, bon gré, mal gré, et c'est à présent surtout qu'on peut dire : vivre libre ou mourir ".

Le vieux monde rêve toujours de revanche

Ils avaient raison ! La mort du roi a marqué un coup fatal à l'Ancien régime. Mais, le vieux monde n'a cessé de vouloir reprendre sa revanche. Thermidor a ouvert la voie à l'Empire, à la Restauration et à la Monarchie de juillet malgré les trois glorieuses. L'illusion lyrique de février 1848 a sombré dans les massacres de juin et le règne autoritaire de Badinguet. L'éclair sublime et fécond de la Commune a été brisé durant la semaine sanglante par les partisans de la monarchie ralliés, faute de roi présentable, à la République. Cette dernière, à partir des années 1880, prolongera l'œuvre de la Révolution française en créant l'école publique laïque, gratuite et obligatoire, en introduisant pour une période plus longue qu'en 1795 et 1871 la séparation des Églises et de l'État en 1905, en intégrant la question sociale. Ceci, même si cette République fut éminemment bourgeoise, par le vote des lois de 1884 sur les syndicats, du 1er juillet 1901 sur les associations, de 1892 sur l'interdiction du travail des enfants, de 1898 sur les accidents du travail.

Aujourd'hui encore, plus que jamais peut-être depuis Vichy, cette œuvre accomplie au prix des sacrifices de nombreuses générations de républicains, du combat sans relâche des libres - penseurs songez à Hugo en janvier 1850 à la tribune du Parlement combattant la loi scélérate du comte Falloux, est gravement menacée. Des lois Debré, Guermeur, Rocard sur l'enseignement aux accords Lang-Cloupet, de la dissolution de la nation et de la République dans une Europe vaticane à l'enseignement des religions dans l'enseignement public au maintien de la douloureuse exception d'Alsace - Moselle, les exemples ne manquent pas de la remise en cause multiforme des fondements de la République.

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